Les compléments alimentaires: risques, manquements et revendications


Les compléments alimentaires sont des denrées alimentaires prédosées sous forme, entre autres, de capsules ou de gélules. Ils sont constitués d’un ou de plusieurs nutriments, plantes ou autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique. Ils sont disponibles partout sans prescription, ce qui contribue à leur banalisation : en pharmacies, parapharmacies, grandes surfaces, dans des magasins spécialisés en diététique, des magasins d’aliments "naturels" ou encore sur internet.
Quel est l'intérêt des compléments alimentaires ?
Comme leur nom l'indique, les compléments alimentaires ont pour objectif de compléter l’alimentation quotidienne. Ils permettent ainsi de maintenir un apport suffisant de certains nutriments ou encore de corriger d’éventuelles carences nutritionnelles. Si pour la majorité de la population une alimentation équilibrée et variée est suffisante pour apporter tous les nutriments nécessaires, les compléments peuvent s'avérer utiles dans certains cas de figure.
Le problème de la surconsommation des compléments alimentaires
La consommation anarchique des compléments alimentaires peut devenir nuisible d’un point de vue santé publique. Des cas d’intoxication à la vitamine D chez les nourrissons, par mésusage des compléments alimentaires, ont par exemple été rapportés en France.
Qui plus est, les raisons qui poussent les consommateurs à acheter des compléments alimentaires dépassent largement leur but premier : mincir, avoir une belle peau, rester jeune plus longtemps, rester en bonne santé, prévenir une pathologie voire se substituer à un médicament, etc.
"Cette tendance aux suppléments nutritionnels nous semble irrationnelle. Les produits se multiplient et le marketing effectue parfaitement son travail en créant un besoin auprès des consommateurs", déplore notre experte santé Véronique Demierbe. "Améliorer son immunité, sa concentration ou encore sublimer ses cheveux, tout cela donne envie. D’autant plus que les compléments alimentaires sont facilement accessibles, puisqu’ils sont vendus sans prescription."
Ce dossier propose donc de répondre à toutes vos questions concernant les compléments alimentaires, leurs intérêts, leurs risques ou encore la législation qui les encadre.
Quelles sont les différences entre les compléments alimentaires et les médicaments ?
Médicaments, médicaments homéopathiques, à base de plantes ou non, compléments alimentaires,... La frontière entre les différentes catégories de produits devient difficile à déterminer. Nous revenons sur les définitions de chaque catégorie et les différences au niveau des obligations pour chaque catégorie.
Les différentes sortes de compléments alimentaires
Les compléments alimentaires existent sous plusieurs formes, avec certaines particularités à prendre en compte. C'est notamment le cas des compléments alimentaires à base de plantes et autres substances.
Est-il nécessaire ou conseillé de prendre des compléments alimentaires ?
Il n'y a pas de réponse tranchée à cette question, et plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. Il est en revanche clair qu'avant d'opter pour des compléments alimentaires, il convient d'abord de veiller à avoir une alimentation saine, équilibrée et variée pour éviter les carences en vitamines et minéraux. Une exception concerne toutefois la vitamine D, surtout dans nos régions peu ensoleillées.
Fausses promesses et allégations des compléments alimentaires
Les emballages des compléments alimentaires sont garnis de promesses et allégations diverses. La largesse de la législation à ce sujet est à la source de certaines pratiques et dérives de la part des fabricants.
Quels sont les risques liés aux compléments alimentaires ?
La prise de compléments alimentaires n’est pas sans risque. Sûreté, efficacité, interactions avec certaines substances, informations manquantes, surdosage,... Vous pouvez mettre votre santé ou celle de vos enfants en danger en prenant des compléments alimentaires sans vous informer correctement.
Les manquements dans la législation sur les compléments alimentaires
Des zones d'ombre persistent dans la législation concernant les compléments alimentaires. Elles portent préjudice aux consommateurs et réduisent leur protection.
Les revendications de Testachats en matière de compléments alimentaires
Des changements sont nécessaires au niveau de la législation et du contrôle des compléments alimentaires, non seulement au niveau belge mais aussi (et surtout) au niveau européen. Retrouvez toutes nos demandes en la matière.
Avant de parler plus en détail des compléments alimentaires, il convient de bien établir ce qui les distingue des médicaments.
Les différentes sortes de médicaments
"Au sein de la catégorie des médicaments, il existe différents produits pour lesquels les exigences ne sont pas les mêmes", rappelle Véronique Demierbe, experte santé chez Testachats. "Si les effets thérapeutiques annoncés des médicaments classiques doivent être prouvés, ce n’est pas le cas pour les médicaments homéopathiques et médicaments traditionnels à base de plantes."
Il faut donc distinguer :
- Les médicaments. Pour approuver leur mise sur le marché, les pouvoirs publics se basent sur les résultats d’études détaillées, menées pendant plusieurs années sur le médicament en laboratoire, sur l’animal et l’homme. Des études à grande échelle doivent démontrer que le médicament possède, pour une affection déterminée, un effet au moins équivalent à celui d’un médicament existant ou d’un placebo.
- Les médicaments classiques à base de plantes. La mise sur le marché ne requiert qu’un minimum de preuves scientifiques. La substance active doit avoir été utilisée pendant au moins 10 ans dans l’Union européenne, sa sécurité et son efficacité pour les patients doivent être attestées par au moins une étude dans la littérature.
- Les médicaments traditionnels à base de plantes. Il suffit au fabricant de démontrer que la substance active est utilisée depuis au moins 30 ans, dont 15 ans au moins dans l’Union européenne. De plus, la tradition doit montrer que le produit est sûr et que son efficacité est "probable". La sécurité et l’efficacité ne doivent donc pas être activement étudiées, comme c’est pourtant le cas avec les médicaments classiques.
- Les médicaments homéopathiques avec indication. Pour la commercialisation, une bibliographie adéquate suffit, soit "un bref rapport établissant que le médicament a un jour été utilisé pour une indication déterminée".
- Les médicaments homéopathiques sans indication. Ils peuvent être utilisés pour de nombreuses affections. C’est le profil du patient et non l’affection en elle-même qui détermine le choix du remède homéopathique, ce qui rend difficile toute preuve d’efficacité. Conséquence directe : pour les produits sans indication à usage oral ou externe, suffisamment dilués pour que leur innocuité soit garantie, le fabricant ne doit même pas démontrer leur efficacité.
Les compléments alimentaires
À l'instar des médicaments homéopathiques sans indication, les compléments alimentaires ne sont pas soumis à des obligations imposant aux fabricants de prouver l'efficacité du produit. Il n'y a aucune base légale qui pourrait leur imposer de prouver que la plante ou la substance utilisée dans le produit a réellement les vertus prétendues, ou que la concentration du principe actif est suffisante pour avoir une efficacité.
Une exception concerne les produits qui affichent des allégations autorisées par la Commission européenne, même si ces allégations sont validées sur base d’études liées à la substance active et non au produit fini. Étant donné que les compléments alimentaires sont initialement destinés à compléter le régime alimentaire, ils n'ont en principe pas d'effet thérapeutique. Ils peuvent toutefois avoir un "effet nutritionnel ou physiologique".
L'assimilation entre compléments alimentaires et médicaments, quels risques pour le consommateur ?
"Pour cette raison, les entreprises ne peuvent pas prétendre que les compléments préviennent ou traitent des maladies", rappelle Véronique Demierbe. Un fabricant ne peut pas prétendre que son produit qui contient de la vitamine C renforce l'immunité. En revanche il peut indiquer qu'il "contribue au fonctionnement normal du système immunitaire". La différence est pour le moins ténue, et peut mener à des interprétations erronées chez les consommateurs. "Qui plus est, le fait qu'ils soient vendus en pharmacie sous la forme de gélules, comme les médicaments, renforce également la croyance en une utilité, efficacité et sûreté similaire."
Pour Testachats, la frontière entre les compléments alimentaires et les médicaments est devenue de plus en plus floue au fil des années. Il convient donc de clarifier leur définition respective et les législations.
Les compléments alimentaires sont commercialisés sous diverses formes. Ils peuvent être différenciés sur la base de leur utilité (compléments pendant la grossesse, compléments chez les enfants, compléments pro-immunité et vitalité, etc.), mais aussi de leur composition, comme les compléments alimentaires à base de plantes et autres substances.
Médicaments ou compléments alimentaires à base de plante ?
Comment détermine-t-on si un produit est un médicament ou un complément alimentaire à base de plante ? L'arbitrage se fait en fonction du dosage. Mais la législation n'est pas toujours claire. C'est par exemple le cas pour la berbérine, dont les doses maximales diffèrent entre le décret sur les plantes et l’arrêté royal "autres substances".
Par ailleurs, si une préparation contient une dose efficace d'une substance présentant des effets pharmacologiques, elle n'est pas soumise à la législation sur les denrées alimentaires. Logique, puisque cela ne répond pas à la définition même d’un complément alimentaire. Dès lors, des fabricants mettent des doses limitées de substances actives issues de la plante (ou des "autres substances") pour pouvoir échapper à cette législation. Mais cette limitation du dosage pose question quant à l’efficacité d’un complément alimentaire, et donc à son utilité réelle pour les consommateurs.
Absence de réglementation pour certaines substances présentes dans les compléments alimentaires
Enfin, certaines substances ne sont tout simplement pas régulées par la législation, ce qui pose cette fois des questions au niveau de la sécurité pour les consommateurs.
Prenons l'exemple du millepertuis, qui contient deux substances actives : l'hypéricine et l'hyperforine. La dose maximale autorisée dans les compléments alimentaires de 700 μg (microgrammes) d’hypéricine par jour (un peu moins de 80 % de la dose thérapeutique minimale, soit 900 μg). En revanche, il n'existe aucune restriction légale pour l'hyperforine alors qu'elle est responsable d'interactions médicamenteuses. Sans oublier que dans les compléments alimentaires contenant différentes substances actives, des interactions entre les substances actives sont possibles.
Notons également que même lorsqu'une dose maximale a été formulée, certains sites web n'hésitent pas à recommander... des doses supérieures. Pour en revenir à la berbérine, la dose maximale recommandée est de 500 mg/jour. Certains sites conseillent pourtant jusqu'à 1 500 mg/jour, soit trois gélules par jour au lieu d’une.
La réponse n’est pas tranchée. Cela peut dépendre du régime alimentaire que l’on suit ou de certaines phases de notre vie (végétaliens, enfants en pleine croissance, femmes enceintes, etc.).
L'importance d'une alimentation saine et équilibrée
On prétend souvent que l'alimentation contient moins de vitamines et de minéraux que par le passé et que les gens ont donc besoin de compléments pour être en bonne santé.
On ne peut nier que nous mangeons différemment qu'avant: davantage de produits prêts à l'emploi, de produits ultra-transformés qui contiennent moins de nutriments essentiels, moins de fruits et légumes. Cela peut avoir des conséquences négatives sur la santé. Un régime alimentaire non équilibré et peu varié peut donc entraîner un déficit en certains vitamines et minéraux.
Mais avant de nous ruer sur les compléments alimentaires, peut-être devrions-nous commencer par mettre plus de fruits et de légumes au menu chaque jour et de rééquilibrer son alimentation. En adoptant une alimentation équilibrée et variée, on peut facilement absorber suffisamment de vitamines et de minéraux. Il n’est donc pas "difficile" d’éviter les carences. D’ailleurs, l’excédent de vitamines et minéraux disparaît dans les urines et les selles. Quel gaspillage coûteux si elles proviennent de compléments alimentaires.
L'importance de la vitamine D
Une exception concerne la vitamine D. Ce complément peut en effet être utile, surtout dans nos contrées où le soleil n’est pas très présent pendant la saison froide. Un déficit prolongé en vitamine D est la cause du rachitisme chez l’enfant et de l’ostéomalacie chez l’adulte. Une supplémentation en vitamine D peut rétablir cette carence. Si les suppléments ne sont pas remboursés par la sécurité sociale, ils peuvent prévenir des coûts futurs liés à des interventions médicales.
Il est également des moments de la vie où les besoins du corps en vitamine D sont plus importants telles que la croissance surtout chez le tout jeune enfant ou en cas de grossesse ou d’allaitement, sur avis médical.
Si vous avez des doutes concernant une éventuelle carence, consultez votre médecin qui peut vous proposer une prise de sang.
Les conseils de nos experts par rapport aux compléments alimentaires
À faire
- Variez et équilibrez votre alimentation. Privilégiez les produits frais, dont les légumes. Sauf problème de santé spécifique, votre alimentation devrait toujours vous permettre d’assurer vos besoins en vitamines et minéraux.
- Consultez toujours l’avis de votre médecin avant d’utiliser des compléments alimentaires. Il faut tenir compte des spécificités de chaque personne dans l’utilisation de ces compléments: âge, sexe, état de santé, condition, prise de médicaments, etc. Une femme enceinte, par exemple, qui surconsomme de la vitamine A expose le fœtus à des malformations.
- Consultez soigneusement la notice d’utilisation ou l’emballage de votre produit. Respectez la posologie indiquée. Une utilisation inappropriée ou abusive de ces compléments peut entraîner d’importants troubles de la santé. Une accumulation excessive de vitamine D dans l’organisme peut, par exemple, mener à une surdose qui se traduit par des nausées, des vomissements, des diarrhées, des douleurs et de la fatigue. Elle peut mener à un arrêt de la croissance chez les enfants.
- Prenez garde à vos allergies éventuelles, mais aussi aux effets secondaires, aux associations néfastes avec d’autres compléments, médicaments ou aliments.
- Privilégiez des achats en pharmacie ou en grande surface; les produits à la vente y sont davantage contrôlés. Le risque est plus grand d’acquérir des produits douteux sur internet.
À ne pas faire
- Ne considérez pas les compléments alimentaires comme des remèdes préventifs. Absorber de la vitamine C à titre préventif ne protège pas d’un rhume, le surplus est éliminé par les urines.
- Ne prenez pas de compléments alimentaires sur de longues périodes sans avis médical, sous peine de complications de santé.
- N’augmentez pas les doses sous prétexte que vous ne constatez pas d’effets. Le surdosage peut mener à des problèmes de santé plus aigus que ceux dus à la carence.
- Ne vous laissez pas influencer. Ne cédez pas aux incitations bien intentionnées de vos proches sous prétexte qu’ils se sentent beaucoup mieux depuis qu’ils prennent tel ou tel produit miracle. Rien ne garantit que cela ne vous sera bénéfique à vous … pas plus qu’à vos proches d’ailleurs.
- N’associez pas des produits promettant des effets différents sans consulter les notices. Certains composants présents de manière identique peuvent entraîner un surdosage.
Comme expliqué précédemment, les compléments alimentaires ne sont pas soumis aux mêmes règles que les médicaments. Rien n’oblige les industriels à prouver que la plante utilisée dans le produit a réellement les vertus prétendues, ou que la concentration du principe actif de la plante utilisée est suffisante pour avoir une efficacité.
Ils peuvent donc mentionner certaines allégations en ce qui concerne les bénéfices pour la santé. En revanche, ils ne peuvent pas afficher d'allégations curatives ni préventives.
Les allégations de santé sur les compléments alimentaires
Pour limiter les abus, l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) a veillé à établir une liste d’allégations de santé autorisées ou non sur les emballages et sites web des compléments alimentaires.
Un complément alimentaire de vitamine C ne peut pas affirmer qu'il "renforce la résistance naturelle" ou qu'il "contribue à l’augmentation de l’immunité". Mais si ces allégations ne sont pas autorisées, le produit peut, en revanche, indiquer que "la vitamine C contribue au fonctionnement normal du système immunitaire". La différence entre les deux versions n'est pas grande et peut, comme expliqué, mener à de la confusion chez les consommateurs.
L'exemple du complément alimentaire Urilys
Le fabricant EG commercialise deux produits : le complément alimentaire Urilys Comfort et le dispositif médical Urilys Forte. Le premier est accompagné de l'allégation ("on hold") "contribue au maintien du confort urinaire", alors que le second affiche "contribue au traitement et à la prévention des cystites et des infections des voies urinaires".
"Si les fabricants veulent indiquer une allégation thérapeutique (qui fait vendre) sans en faire un médicament (et éviter donc les contraintes qui y sont liées), ils le font passer sous forme de dispositif médical comme c’est le cas d’Urilys-Forte", glisse Véronique Demierbe. La seule condition pour entrer dans cette catégorie : l’actif doit agir par effet mécanique.
Les allégations de santé "on hold" sur les compléments alimentaires
Pour ce qui est des produits à base de plantes, les allégations autorisées sont toujours en attente d’un verdict ("on hold") de l’Europe. Près de 2 000 allégations de santé sont en attente d’une décision. En attendant, elles peuvent être utilisées.
"Certains fabricants n’hésitent pas à ajouter des ingrédients qui peuvent bénéficier d’une allégation 'on hold' pour contourner les règles de publicité en matière de compléments alimentaires", pointe encore Véronique Demierbe. "C’est le cas par exemple du complément alimentaire pour la perte de poids Akkermansia, dans lequel le fabricant a ajouté du thé vert. Grâce à cet ajout, la firme peut indiquer l’allégation 'gestion du poids' sur l'emballage, alors que les études qu’ils ont menées étaient liées à la bactérie Akkermansia qui elle, ne peut être accompagnée d'aucune allégation."
"Une situation aberrante", continue-t-elle, "ce dossier ayant été reporté plusieurs fois depuis 2012, pour finalement ne plus être une priorité pour la Commission." Testachats souhaite voir avancer ce dossier afin d’assurer une information correcte et fiable en matière de santé aux consommateurs.
Les allégations beauté sur les compléments alimentaires
Avec le temps, des allégations en lien avec la beauté ont également fait leur apparition. Vous pouvez désormais lire sur certains emballages des phrases telles que "pour la beauté des cheveux", "pour des cheveux brillants", etc. Quant aux allégations en lien avec la pousse des cheveux, elles considérées comme des allégations de santé, et donc encadrées.
L'exemple du "complément alimentaire" Huile de macération (Pranarôm)
L’huile de macération Millepertuis de Pranarôm joue sur plusieurs tableaux. Il se présente à la fois comme un complément alimentaire à usage oral et un produit cosmétique. Ce sont pourtant deux catégories différentes soumises à des législations différentes. Qui plus est, le fabricant indique sur son site web que le produit peut guérir les blessures et les plaies mineures, ce qui en fait... un médicament.
Les dangers et effets contre-productifs des allégations sur les compléments alimentaires
La législation européenne établit clairement que les allégations :
- ne peuvent pas être fausses, trompeuses ou ambiguës ;
- doivent reposer sur des preuves scientifiques ;
- ne peuvent pas encourager une consommation excessive.
Testachats doute également que le consommateur comprenne clairement ce que les allégations autorisées signifient réellement. Il est peu probable que le consommateur saisisse les nuances subtiles du libellé. La formulation autorisée "contribue au fonctionnement normal du système immunitaire" pourrait aisément être comprise par le consommateur comme "renforce le système immunitaire", alors que cette dernière n'est pas autorisée.
La prise de compléments alimentaires n’est pas toujours dénuée de risques.
Pour être mis sur le marché, le fabricant doit introduire un dossier de notification auprès des pouvoirs publics. Le dossier doit inclure une liste complète des ingrédients, l’analyse nutritionnelle, des données concernant la présence et la non toxicité des substances actives et l’étiquetage du produit.
Pour vous assurer qu'un produit est en règle à ce niveau, vérifiez qu’il comporte un numéro de notification. La présence de ce numéro indique qu’il a été contrôlé et certifié par les autorités. Parfois, ce numéro est indiqué sur l'emballage: il commence par NUT, PL ou AS. Il arrive qu’il faille aller le vérifier sur le site FOODSUP. S’il n’y a pas ce numéro, nous vous déconseillons de consommer ces compléments alimentaires.
Pas de garanties suffisantes pour la sécurité du consommateur
Gardez toutefois à l'esprit que si les produits vendus en pharmacie ont été notifiés, ce n’est pas pour autant qu’ils sont suffisamment sûrs pour le consommateur.
Prenez l'exemple de la levure de riz rouge. Elle est utilisée pour faire baisser le taux de cholestérol en cas d’hypercholestérolémie. Cette levure contient comme principe actif la monacoline K, également utilisée dans des médicaments qui réduisent le taux de cholestérol. Si les médicaments sont disponibles uniquement sur prescription médicale, ce n'est pas le cas des compléments alimentaires, disponibles en vente libre. Pourtant, la prise de monacolines de la levure de riz rouge comporte des risques similaires.
Notez également que de nombreux compléments alimentaires sont composés de plusieurs plantes. Or, les possibilités d’interactions sont nombreuses. Les études sont généralement menées sur une seule plante ou un principe actif mais pas sur le produit dans son ensemble. Cela pose évidemment problème pour la sécurité des consommateurs.
En ce qui concerne les compléments alimentaires vendus en ligne, la prudence est de mise.
Lors d'une enquête menée en 2022 sur des compléments alimentaires amaigrissants vendus en ligne, nous avions découvert des substances illégales, mais aussi des produits qui ne contenaient aucune trace des substances actives mentionnées sur leur emballage.
Les sites web belges ne sont pas forcément irréprochables. Il n’est pas rare que les mises en garde obligatoires ne figurent nulle part. Vous pouvez aussi commander des compléments alimentaires qui contiennent pourtant plus que la dose autorisée. Ces éléments sont la preuve d'un manque de contrôle de la part du gouvernement.
La mésinformation des sites web
Un autre problème lié au e-commerce et à la protection des consommateurs est la mésinformation observée sur certains sites web. Prenez par exemple le cas de l’argent colloïdal, interdit à la vente en Europe en tant que complément alimentaire, raison pour laquelle la mention "à usage externe" doit figurer sur l’emballage. Pourtant, certains sites encouragent les consommateurs à ingérer cette substance.
Le site web de Crystal proposait ainsi d'en ingérer une dose de 1 à 4 cuillères à café, quatre fois par jour. Mais attention : le principal effet secondaire connu d’une consommation d’argent est l’argyrisme (la peau devient gris-bleu).
Les compléments alimentaires ne sont pas toujours aussi inoffensifs qu’on peut penser. Un surdosage est vite arrivé avec à la clef, des conséquences parfois graves. Par exemple, une consommation excessive de vitamine A chez la femme enceinte peut entraîner des malformations du fœtus. Une consommation excessive de vitamine D peut entraîner une surdose et se traduire par des nausées, des vomissements, des diarrhées voire un arrêt de la croissance chez les enfants.
Par ailleurs, la consommation de certains vitamines et minéraux présente moins de risques lorsqu’elles sont issues de l’alimentation. À titre d’exemple, un apport élevé en acide folique synthétique fréquemment présent dans les compléments multivitaminés peut être nocif à trop grande dose. En effet, contrairement à l’acide folique "naturel", sa forme synthétique s’absorbe immédiatement sans que l’organisme ne puisse moduler son assimilation en cas d’excès.
Prise de plusieurs compléments alimentaires simultanément
Soyez prudents si vous prenez plusieurs compléments alimentaires simultanément. Certains vitamines ou minéraux se trouvent simultanément dans plusieurs d'entre eux avec comme risque, un surdosage. Votre pharmacien saura vous orienter.
L'exemple d'Alvityl Vitalité sirop
Ce produit est destiné aux 3 à 6 ans et apporte 2,5 microgrammes de vitamine D3 par jour. Les recommandations sont de 10 microgrammes/jour. Si vous donnez en plus de la vitamine D à votre enfant, un calcul s’impose pour ne pas excéder les doses journalières.
Le marketing et la surconsommation
Certains compléments alimentaires pour les enfants sont vendus sous la forme de petits oursons, dinosaures, personnages de dessins animés, etc. Ils ressemblent de plus en plus à des sucreries. Mais en rendant les multivitamines attrayantes et savoureuses, les fabricants augmentent le risque de surconsommation et donc de problèmes de santé. Des cas de surdosage ont déjà été répertoriés en France.
Le conditionnement non adapté de certains compléments alimentaires
Le surdosage peut également survenir à cause du conditionnement des compléments alimentaires.
C'est par exemple le cas des gélules Kruidvat Mélatonine 500 comprimés (3 comprimés/jour). La mélatonine ne doit pas être prise de manière chronique, c’est-à-dire pas plus de 13 semaines consécutives. Or avec ce conditionnement, le consommateur risque probablement de finir le pot (à ce rythme, en 24 semaines) et donc de dépasser la quantité recommandée.
Un autre problème pouvant mener à un surdosage est que les fabricants surdosent parfois leurs produits, tout en respectant les teneurs maximales établies par la loi. Ces teneurs maximales sont fixées sur base d’un seul critère, à savoir l’absence de toxicité. Mais elles ne correspondent pas aux besoins réels de la population. Résultat : certains compléments alimentaires apportent plus de nutriments qu’il n’en faut, tout en respectant la loi.
Une situation rendue possible par notre présence dans le marché européen. À l'échelle belge, nous ne pouvons limiter l’accès au marché belge de produits mis légalement sur le marché dans d’autres états membres. Le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) avait, déjà en 2018, dénoncé certains dangers liés à cette problématique :
- À la suite à l’enrichissement en iode du sel de boulangerie, le statut en iode de la population belge s’est amélioré ces dernières années. La limite autorisée est de 225 µg/jour, mais pour le CSS, au-delà de 100 µg/jour, cela peut engendrer des troubles thyroïdiens chez certaines personnes.
- La dose autorisée en fer est de 45 mg/jour. Le CSS recommande maximum 15 mg/jour. Selon lui, la dose autorisée est assimilable à un véritable médicament adapté à des situations pathologiques avérées.
- Les besoins en vitamine C sont de 110 mg/jour, mais la limite maximale est de 1 000 mg/jour. Un non-sens quand on sait que tout surplus est éliminé par les urines.
- Le chrome n’est pas un nutriment indispensable, pourtant la loi autorise un maximum de 187,5 µg/jour contre 50 recommandés par le CSS. Ainsi, il pourrait sembler indispensable et tromper le consommateur quant à une prétendue efficacité pour la régulation des sucres et des graisses alors qu’il n’en est rien.
Le CSS encourage des discussions au niveau européen, pour mieux tenir compte des besoins réels des populations, et de ne plus se baser uniquement sur l’absence de toxicité comme seul guide des législations et des normes.
Malheureusement, pour les compléments alimentaires, il n'est pas obligatoire d'énumérer toutes les contre-indications. Donc, là aussi, consultez un professionnel en cas de doute. Surtout si votre thyroïde, votre foie ou vos reins ne fonctionnent pas correctement. Tenez également compte des éventuelles allergènes (ceux-ci sont mentionnés en gras ou en italique dans la liste des ingrédients).
Les apports de référence (appelés VNR, Valeurs Nutritionnelles de Référence, ou RI, Reference Intake) doivent être présents sur les emballages de compléments alimentaires et exprimés en fonction de la dose journalière recommandée. Ils se présentent en général sous la forme de tableaux et indiquent :
- la quantité de vitamines et minéraux présents ;
- le pourcentage apporté par rapport aux apports journaliers de références.
Lorsque vous achetez vos compléments dans des pharmacies en ligne, elles ne sont pas toujours indiquées.
Notez que ces valeurs sont fixées au niveau européen et correspondent à celles des adultes. Elles n'ont donc pas d’intérêt pour un complément alimentaire à destination des enfants, ces derniers ayant des besoins différents. Elles peuvent donc apporter de la confusion ou être la source de surdosages.
L'exemple de la vitamine D et du sous-dosage
La VNR pour la vitamine D est de 5µg. Ainsi, si on voit sur un produit "100% VNR", le produit ne contient que 5µg de vitamine D et non les 10µg recommandés pour les enfants. Sans l’aide d’un professionnel de la santé, on aura tendance à sous-doser le produit. L’inverse peut également se produire.
L'exemple d'Omnivit Junior Gummies et du surdosage
Pour ce produit, il est conseillé dès 3 ans de mâcher une gomme/jour.
Chaque gomme apporte 1 188 µg (microgrammes) de vitamine A, soit... 148 % des apports de référence (300 µg pour un adulte). Les recommandations journalières pour les 4 à 6 ans sont de 300 µg. Quant à l'apport maximal tolérable, il a été fixé par l’EFSA à 1 100 µg/jour. En ingérant une gomme/jour, on dépasse donc cette limite. Une situation d'autant plus inquiétante que la vitamine A se trouve un peu partout dans notre alimentation (beurre, margarine, produits laitiers, œufs, etc.).
Les informations manquantes lors de la vente des compléments alimentaires
Pour vendre des compléments alimentaires, les fabricants ne sont pas obligés de joindre une notice ou d'énumérer toutes les contre-indications liées au produit. L'emballage d'un complément alimentaire comprend :
- la liste des ingrédients et leur concentration ;
- la posologie ;
- selon la législation, les mentions "ne convient pas à" ou "ne pas combiner avec".
Toutefois, d’un pays à l’autre au sein de l’UE, les règles changent. C'est par exemple le cas en Italie. Le ministère de la Santé a modifié un décret en date du 4 août 2021. Cette modification concerne l’étiquetage des compléments alimentaires contenant des substances, des préparations et des extraits dérivés de Garcinia cambogia. Ils doivent désormais comporter un avertissement concernant des risques pour le foie.
La cause ? Selon le site de nutrivigilance d’Italie, quelque 50 patients ont présenté une hépatotoxicité de gravité variable. Dans 8 cas, une greffe du foie a été nécessaire et dans deux cas, le patient est décédé.
Cet exemple est un nouveau rappel pour les consommateurs : la prudence est de mise, d’autant plus s’ils suivent un traitement médicamenteux, ou s'ils souffrent déjà de dysfonctionnement au niveau de leur thyroïde, foie ou reins. Si pour certains produits, comme le millepertuis, il existe des mises en garde, celles-ci sont trop brèves que pour permettre aux consommateurs d'estimer correctement les risques inhérents au produit.
Par exemple, le millepertuis diminue l’efficacité des contraceptifs oraux. Si les compléments alimentaires qui en contiennent spécifient "en cas d’utilisation concomitante de médicaments, informez votre médecin ou votre pharmacien", il y a de fortes chances que le consommateur moyen ne considère pas la pilule contraceptive comme un "médicament". Une notice énumérant les catégories de médicaments avec lesquels le complément peut interagir serait un pas en avant.
Les vendeurs n'ont pas une formation suffisante
Nous avons mené une enquête concernant la vente de compléments contenant du millepertuis. Lors de nos visites mystères dans des parapharmacies et magasins d’aliments naturels, nous avons constaté un manque de connaissance du personnel. "Dans la majorité des points de vente, l’interaction du millepertuis avec la pilule contraceptive n’est pas reconnue ou considérée comme non pertinente, et le millepertuis est toujours distribué. Chez les pharmaciens, l’interaction avec le médicament est reconnue dans la majorité des cas et seule une minorité de compléments est délivrée", résume notre experte Véronique Demierbe.
Ces constatations soulignent à nouveau les questions posées par la vente des compléments alimentaires hors pharmacies.
"Nous conseillons toujours aux consommateurs de consulter leur médecin avant d’utiliser des compléments alimentaires. En parallèle, nous estimons que les médecins, les pharmaciens et les diététiciens devraient être mieux formés à l’encadrement de l’utilisation de ces produits. Une amélioration de leur formation dans le cadre du cursus de base permettrait sans doute une utilisation plus raisonnable des compléments alimentaires", ajoute-t-elle.
Testachats souhaite voir une évolution au niveau des règles qui encadrent la commercialisation et la vente de compléments alimentaires. Nous exigeons des garanties pour la sécurité des consommateurs lors de l'utilisation de ces compléments.
Cette supervision peut se décliner de plusieurs manières :
- Des dossiers de notification plus complets. Les dossiers introduits doivent être composés d’études scientifiques prouvant la sécurité pour chaque principe actif isolé mais aussi combiné.
- Des contrôles (analyses en laboratoire). Ces contrôles doivent être menés de façon aléatoire, afin de contrôler la composition du produit et la concentration en principe actif. Les contrôles devraient aussi concerner la sécurité du produit, avec des sanctions efficaces en cas d'infraction. Ces contrôles doivent être payés par le secteur, sous la forme de rétributions.
- Une contenance limitée et adaptée à la posologie. Les emballages qui sont manifestement trop grands doivent être interdits, afin d'éviter de possibles surdosages. Cet aspect doit être vérifié lors de la notification.
La distinction entre les compléments alimentaires et les médicaments doit être clairement définie. Pour se faire, une définition claire des compléments alimentaires doit être établie.
Par la suite, il faudra également une révision des produits vendus pour déterminer ceux répondant (ou non) à la définition des compléments alimentaires. Les produits à base de plantes qui ne répondent pas à la définition devraient être exclus de la catégorie des compléments alimentaires et intégrer celle des médicaments traditionnels à base de plantes, les forçant ainsi à respecter les obligations inhérentes. Cette révision assurerait une plus grande sécurité pour les consommateurs :
- Il serait beaucoup plus difficile pour les fabricants de combiner différentes plantes (la combinaison devrait être documentée) ;
- Il y aurait une obligation de fournir une notice contenant les mises en garde nécessaires ;
- La vente serait restreinte aux pharmacies.
Outre la définition des compléments alimentaires, il faut également revoir les dosages maximaux autorisés en vitamines et minéraux. Ils devraient être adaptés aux besoins et différenciés selon l’âge. Les Valeurs Nutritionnelles de Référence (VNR) devraient également être revues et différenciées selon l’âge.
Il devient urgent d'harmoniser au niveau européen les quantités maximales autorisées de certaines substances actives dans les compléments alimentaires.
Pour l'heure, les États membres sont libres de les déterminer eux-mêmes. Concrètement, un produit contenant une certaine quantité de substance active peut être considéré comme un complément alimentaire dans un pays, et comme un médicament (sur ordonnance ou non) dans un autre.
La différence ? La législation et les obligations qui entourent les compléments sont beaucoup plus souples que celles pour les médicaments. Un consommateur peut donc se procurer le produit sans ordonnance à l'étranger (commande en ligne), alors qu'il aurait eu besoin d'une ordonnance dans son pays. Cette situation compromet la sécurité des consommateurs.
L'utilisation des allégations de santé ne devrait pas être tolérée tant qu’une décision de la Commission n’a pas été prise. La distinction entre les allégations qui peuvent être utilisées et celles qui sont en attente ("on hold") est trompeuse pour les consommateurs.
Nous demandons également que la Commission européenne fasse une enquête afin d’établir la manière dont les consommateurs interprètent les allégations sur les emballages des compléments alimentaires.
Cette révision doit également aller de pair avec un contrôle plus strict des allégations employées, notamment sur le web et les réseaux sociaux.
Nous demandons l'interdiction du marketing à l'égard des compléments alimentaires destinés aux enfants, que ce soit les emballages attractifs, l'usage de mascottes, de goodies, ou l'utilisation de gélules sous des formes ludiques.
Les pouvoirs publics doivent établir une série de mentions obligatoires sur l’emballage de tous les compléments alimentaires. En voici deux exemples :
- En cas de traitement médicamenteux, veuillez contacter un médecin avant de prendre des compléments alimentaires.
- Pris en même temps que des médicaments, les compléments alimentaires peuvent entraîner des effets secondaires, une augmentation ou une diminution de l’efficacité des médicaments.
Nous plaidons également pour la présence d’une notice obligatoire à part entière reprenant les informations suivantes :
- l’indication explicite d’informations concernant l’efficacité ;
- la posologie ;
- les contre-indications ;
- les interactions médicamenteuses ;
- les effets secondaires ;
- l’utilisation pendant la grossesse et l’allaitement ;
- la hotline Nutrivigilance.